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La honte.

Publié le par Nouya

Les urgences. 

 

J'y avais fait un stage, et j'avais dit : "jamais de la vie!", après mes insomnies avant chaque journée avec mon infirmière-dragon. 

 

Et après avoir fait mes remplas, un service spécialisé ne m'intéressait pas, et je voulais bosser les soins techniques... 

 

J'ai donc plongé dedans, hyper motivée, avec des souvenirs quand même d'équipe soudée, de médecins toujours présents... 

 

Et là... PAF, la réalité. 

 

Alors, oui, dans un service où il n'y a pas trop de patients, où il n'y a pas trop d'attente, où le personnel a une salle commune pour transmettre les infos entre médecins et paramédicaux, c'est top. Vraiment top. Mais j'ai vu, j'ai venu, et on a été vaincus. 

 

Dans un service avec énormément de passages, dès qu'on atteint des pics, c'est la grosse cata. 

 

Je sais, je râle beaucoup, mais juré, je l'écrirai, ce post sur les stages-qui-se-passent-bien. 

En attendant, laissez-moi vous parler d'une nuit. 

 

Quand on arrive, l'écran d'ordinateur avec les noms des patients est rempli. Noir de monde, ou plutôt multicolore, puisqu'on trie selon la gravité avec des couleurs. Du monde partout, ça déborde, les urgences dégueulent comme un lendemain de fête (mais on n'est pas le 31!). 

 

Mes collègues de jour me présentent leurs condoléances, d'avance.

 

Cette nuit-là, malgré l'aide d'une collègue-qui-a-de-la-bouteille et qui m'a aidée (tout en râlant contre le monde entier), on a mouru sous les soins. Malgré les médecins (une équipe adorable cette nuit-là) qui se sont déchaîné pour que ça avance. 

 

Va expliquer à ce monsieur qui n'a bientôt plus de transport pour rentrer, que sa mère n'a pas été vue à 20h comme ça lui avait été promis, mais sera vue à 22h (et si je tenais la personne qui donne des délais intenables...).

 

J'ai hospitalisé un patient 2 heures après mon arrivée alors que la décision avait été prise avant mon arrivée, un autre 4 heures après. 

 

Un monsieur a mangé 2 heures après que ce soit demandé. (coucou Pernelle) 

 

J'ai fait attendre une heure un monsieur qui avait besoin de morphine. 

 

J'ai appris à une dame deux heures après l'avis du spécialiste, l'avis du spécialiste. 

 

Avec mon aide-soignante, on a pas touché terre avant 4h, j'ai mangé en validant mes soins devant l'ordinateur, et on ne s'est pas arrêtées avant la fin du service.

 

Je me suis faite engueulée par mon collègue en service parce que "la dame que tu m'as amenée, sa protection est pleine, l'autre était pas déshabillée, le monsieur, sa perfusion marchait pas, c'est n'importe quoi ce soir!"

 

Oui, c'est N'IMPORTE QUOI. Alors, oui, quand on a des pics comme ça, c'est vraiment la grosse galère, et on s'engueule avec tout le monde (et surtout les familles), et on y peut rien. 

 

C'est juste qu'en ce moment, c'est tout le temps. "Je peux pas faire plus vite que ça, je suis pas Shiva", est devenu mon anti-culpabilisateur préféré. 

 

On y peut rien non plus, mais on n'a pas davantage de moyens. 

 

Ajoutez à la recette une ambiance de service anxiogène, certains cadres flics, des médecins du type "fous moi la paix ta gueule", un public à tendance "service sur un plateau d'argent", et les personnes classiquement violentes. 

(ça va pas faire BOUM, là, un jour ?) 

 

Attention, ce n'est pas pour justifier les erreurs et les manques délibérés. 

 

Comme dans nombre de service d'hospitalisation actuellement, on remplit les lits, on pense rentabilité, et on alloue moins de personnel pour plus de patients et plus âgés. 

(dans d'autres, on a le temps et on dit qu'on ne l'a pas, hein, ça arrive aussi.) 

 

S'occuper correctement des patients. 

S'attarder sur les besoins des personnes âgées qui commencent à se sentir perdues. 

Vérifier les à-côté : prévenir la famille, voir les problèmes sociaux... 

Apaiser les angoisses. 

 

Tant de choses que j'ai pu faire dans certains services, et que je ne peux plus que rarement faire actuellement. 

Pour combien de temps encore ?

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